Aujourd'hui, nous fêtons le mystère de l'Assomption de Marie ! En cette occasion, voici un texte de saint Jean Damascène sur la Dormition (ancien nom donné au mystère de l'Assomption) de Marie.
DEUXIEME HOMELIE SUR LA DORMITION
DEUXIEME DISCOURS SUR L'ILLUSTRE DORMITION. DE LA TOUTE SAINTE ET TOUJOURS VIERGE MARIE
Il n'est entre les hommes personne qui puisse célébrer dignement la migration sacrée de la Mère de Dieu, quand même il aurait mille langues et mille bouches. Que dis-je ? Les langues de tous les hommes dispersés, fussent-elles réunies, ne parviendraient pas à exprimer les louanges qui lui conviennent. Car elle est au-dessus de toute loi du genre laudatif. Mais puisque l'offrande est chère à Dieu, qui est faite selon nos forces, par amour, par zèle et par une volonté droite, et que ceci est cher à la Mère de Dieu qui est cher et agréable à son Fils, entreprenons encore une fois ses louanges, pour obéir à vos ordres, pasteurs excellents et très aimés de Dieu, après avoir appelé à notre aide le Verbe qui s'est incarné par elle, qui remplit toute bouche s'ouvrant vers lui , et qui seul fut son ornement et son éloge souverainement glorieux. Nous savons qu'en commençant ses louanges, nous acquittons notre dette, et qu'après l'avoir acquittée, nous sommes encore ses débiteurs : ainsi la dette demeure, toujours renouvelée à mesure qu'elle est acquittée. Puisse nous être propice celle que nous célébrons, elle qui surpasse toutes les créatures et qui domine toutes les œuvres divines, comme Mère de Dieu, du Créateur et du Démiurge, du Maître universel.
[...] Ô Parole de Dieu, sois toi-même mon auxiliaire et mon secours : fais éloquente ma pensée sans éloquence ; ouvre à ma parole une carrière unie et dirige sa course vers ton bon plaisir, auquel tendent toute parole et toute pensée du sage.
I. LA MERE DE DIEU DEVAIT TRIOMPHER DE LA MORT.
La mort ne peut retenir la Théotokos , ciel vivant et trésor de la vie
Aujourd'hui la sainte et l'unique Vierge est amenée au temple hypercosmique et céleste, elle qui a brûlé d'une telle ardeur pour la virginité, qu'elle fut transformée en elle comme en un feu très pur. Toute vierge perd sa virginité en enfantant, mais celle-ci, vierge avant l'enfantement, demeure vierge en enfantant et après la naissance.
Aujourd'hui l'arche sacrée et vivante du Dieu vivant, celle qui a porté dans son sein son Auteur, se repose dans le temple du Seigneur non fait de main d'homme, et David, son ancêtre et l'ancêtre de Dieu, exulte ; et les anges mènent leurs chœurs avec lui, les archanges applaudissent, les Vertus rendent gloire, les Principautés avec lui tressaillent, les Dominations jubilent, les Puissances se réjouissent, les Trônes sont en fête, les Chérubins chantent des louanges, les Séraphins proclament : " Gloire ! ". Car ce n'est point pour eux une faible gloire que de glorifier la Mère de la Gloire. Aujourd'hui la colombe toute sacrée, ? l'âme pure et innocente, consacrée par l'Esprit divin, ? envolée de l'arche, je veux dire de son corps, réceptacle de Dieu et source de vie, a trouvé " où reposer ses pieds " : elle est partie pour le monde intelligible, et s'est établie sur la terre sans tache de l'héritage d'en haut. Aujourd'hui, l'Eden du nouvel Adam accueille le paradis spirituel, où la condamnation est effacée, où l'arbre de vie est planté, où fut recouverte notre nudité. Car nous ne sommes plus nus et sans vêtements, privés de l'éclat de la divine image, et dépouillés de la grâce abondante de l'Esprit. Nous ne déplorons plus l'antique nudité, en disant : " J'ai quitté ma tunique, comment la remettrai-je ? ". Car dans ce paradis le serpent n'eut pas d'entrée, lui dont nous avons convoité la divinisation mensongère, ce qui nous a valu de ressembler au bétail sans raison. Le Fils unique de Dieu en personne, qui est Dieu et consubstantiel au Père, de cette Vierge et de cette terre pure s'est lui-même façonné une nature humaine ". Et je suis devenu dieu, moi qui suis homme ; mortel, je suis immortalisé ; j'ai dépouillé les tuniques de peau : j'ai rejeté le manteau de la corruption, je me suis couvert du vêtement de la divinité. Aujourd'hui la Vierge sans tache, qui n'a pas entretenu d'affections terrestres, mais s'est nourrie des pensées du ciel, n'est pas retournée à la terre " ; comme elle est en réalité un ciel vivant, elle est placée dans les tentes célestes. Qui donc en effet manquerait à la vérité en l'appelant un ciel ? A moins de dire peut-être, avec justesse et intelligence, qu'elle dépasse les cieux mêmes par d'incomparables privilèges. Car celui qui a construit les cieux et qui les contient, l'artisan de toute la création cosmique et hypercosmique, visible et invisible, qui n'est dans aucun lieu, parce qu'il est lui-même le lieu de tous les êtres ? puisque le lieu, par définition, contient ce qui est en lui ? s'est fait lui-même en elle petit enfant, sans semence humaine : il a fait d'elle la spacieuse demeure de sa divinité qui remplit tout, unique et sans limites ; tout entier ramassé en elle sans s'amoindrir, et demeurant tout entier en dehors, étant à soi-même son lieu infini. Aujourd'hui le trésor de la vie, l'abîme de la grâce ? je ne sais comment m'exprimer de mes lèvres audacieuses et intrépides ? entre dans l'ombre d'une mort porteuse de vie ; sans crainte elle s'en approche, elle qui a engendré son destructeur, si toutefois il est permis d'appeler mort son départ plein de sainteté et de vie. Car celle qui pour tous fut la source de la vraie vie, comment tomberait-elle au pouvoir de la mort ? Mais elle obéit à la loi établie par son propre enfant, et comme fille du vieil Adam, elle acquitte la dette paternelle, puisque son Fils même, qui est la vie en personne, ne l'a pas reniée ". Mais comme Mère du Dieu vivant, il est juste qu'elle soit emportée auprès de lui. Car si Dieu a dit : " De peur que l'homme ", le premier créé, " n'étende la main, ne cueille de l'arbre de vie, n'en goûte et ne vive pour la durée des temps ... ", comment celle qui a reçu la vie elle-même, sans principe et sans terme, affranchie des limites du commencement et de la fin, ne vivrait-elle pas pour la durée illimitée ?
Eve et Marie devant la mort.
Jadis, le Seigneur Dieu frappa les auteurs de la race mortelle, qui s'étaient gorgés du vin de la désobéissance, avaient assoupi le regard de leur cœur par l'ivresse de la transgression, appesanti les yeux de leur esprit par l'intempérance du péché, et s'étaient endormis d'un sommeil de mort ; il les exila et les chassa du Paradis d'Eden. Mais ici, celle qui a repoussé tout mouvement de passion, qui a produit le germe de l'obéissance à Dieu et au Père, l'initiatrice de la vie pour la race entière, le Paradis ne la recevra-t-il pas ? Oui, n'en doutons pas. Eve, qui prêta l'oreille au message du serpent, qui écouta la suggestion de l'ennemi, dont les sens goûtèrent le charme du plaisir mensonger et trompeur, emporte une sentence de tristesse et d'affliction ; elle subit les douleurs de l'enfantement, elle est condamnée à la mort avec Adam et reléguée aux profondeurs de l'Hadès. Mais celle-ci, la toute heureuse en vérité, qui s'inclina docile à la parole de Dieu, fut remplie de la force de l'Esprit et reçut dans son sein, à l'assurance de l'archange, celui qui était la bienveillance paternelle, elle qui, sans volupté et sans union humaine, conçut la Personne du Verbe de Dieu qui remplit tout, elle qui enfanta sans les douleurs naturelles, elle qui fut unie à Dieu dans tout son être, comment la mort pourrait-elle l'engloutir ? l'Hadès se fermer sur elle ? Comment la corruption oserait-elle s'en prendre au corps qui a contenu la vie ? Toutes choses qui répugnent et sont absolument étrangères à l'âme et au corps qui ont porté Dieu.