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22 décembre 2013 7 22 /12 /décembre /2013 00:00

 

Le troisième point est celui-ci : Pourquoi l'Incarnation a-t-elle esté faite ? Pour nous enseigner à vivre non plus brutalement comme l'homme avait vescu depuis la chute d'Adam, mais avec et selon la raison Notre Seigneur vient en effet nous enseigner l'abstinence et sobriété des biens, honneurs et commodités de ce siècle, à fouler aux pieds tout cela pour embrasser le contraire. Avant l'Incarnation les hommes vivoyent ainsi que des bestes brutes (Ps 48,13), courant après les dignités et voluptés de cette vie comme les chevaux, chiens et tels autres animaux font après ce qu'ils appâtent 62 Voyez un cheval : quand il est altéré et qu'il trouve de quoi assouvir ou estancher sa soif il se jette à corps perdu dans l'eau, et quoi qu'on lui tire la bride il n'y a moyen de l'en empescher, de sorte qu'il traine son chevalier à val eau. Ainsi les hommes qui vivent non point selon la raison mais selon leurs appétits désordonnés, se jettent à corps perdu à la recherche de leurs satisfactions sensuelles ; mais Notre Seigneur, voulant les en sortir, leur vient tirer la bride en s'incarnant, à fin de les retenir leur enseignant par ses œuvres à mépriser toutes choses.

Il n'y a beste, pour brute qu'elle puisse estre, qui ne reconnaisse celui qui lui fait du bien ; car le cheval reconnoist très bien l'estable où il a autrefois logé parce qu'en icelle on lui a donné de l'avoine ; le chien connoist son maitre, et de mesme tous les autres animaux ont du ressentiment de ceux qui leur font du bien (Is 1,3). Lors donques que l'homme vivait brutalement, Notre Seigneur l'est venu retirer d'entre les animaux, il lui a donné des exemples d'une admirable sobriété et, pour peu de jugement et de raison qu'on ait eu, il n'y a personne qui le sachant n'en ait éprouvé quelque sorte de ressentiment.

Or, le Sauveur s'est incarné pour nous enseigner aussi la sobriété spirituelle, qui consiste en la soustraction et privation volontaire de toutes les choses délectables et agréables qu'il pouvait avoir et recevoir en cette vie ; car il se chargea volontairement et de son plein gré de tous les travaux et tribulations, pauvreté et mépris qui se peuvent endurer en ce monde (Is 53,4). Il avait une âme parfaitement glorieuse qui jouissait de la claire vision de la Divinité, et néanmoins il ne voulut point pour cela estre exempt de douleurs. A l'instant de son Incarnation il vit et lut dans le livre de la prédestination tout ce qu'il devoit souffrir. Ce livre estoit intitulé la sainte volonté de Dieu ; or, pendant toute sa vie, Notre Seigneur ne fit autre chose que lire, pratiquer et garder tout ce qu'il y trouva escrit (Ps 39,7 ; He 10,5), ajustant ses volontés à celles de son Père céleste, comme il le dit lui mesme (Jn 6,38) : Je suis venu non pour faire ma volonté, ains celle de Celui qui m'a envoyé.

0 que nous serions heureux si nous lisions bien dans ce livre et que toute notre préoccupation fut d'accomplir la volonté de Dieu par le renoncement et entière abnégation de la notre, n'ayant d'autre soin que de l'ajuster à la sienne ! Ce serait le moyen d'obtenir de sa Bonté tout ce que nous voudrions, car celui qui n'a autre souci que de faire la volonté divine obtient d'elle tout ce qu'il requiert, et à mesure qu'il accomplit cette sainte volonté, Dieu fait la sienne ainsi qu'il est escrit (Ps 144,19) : Le Seigneur fait la volonté de ceux qui le craignent, comme vous avez vue qu'il fit tout ce que voulut Gédéon quand il lui demanda un signe. Notre cher Sauveur vit donques à l'instant de son Incarnation tous les fouets et escourgées, tous les clous et espines, toutes les injures et blasphèmes que l'on devoit vomir contre lui, en somme tout ce qu'il devoit souffrir. Alors il estendit ses bras sacrés, et s'offrant avec une dilection nonpareille à pâtir toutes ces choses, il les embrassa et mit sur son cœur avec tant d'amour qu'il commença dès cet instant à ressentir tous les tourments qu'il devoit par après endurer au temps de sa Passion. Il se priva dès lors, par une entière soustraction, de toutes les consolations qu'il pouvait recevoir en cette vie, ne se réservant que celles dont il ne se pouvait priver, faisant que la partie inférieure de l'âme souffrit et fut sujette pour notre salut et rédemption aux tristesses, peines, craintes, appréhensions et frayeurs ; et tout cela, non par force ni pour ne pouvoir faire autrement, mais volontiers et de son plein gré à fin de nous montrer son amour.

Certes, ce n'est pas que toutes ces souffrances fussent nécessaires pour nous sauver, car un seul acte d'amour, un seul soupir amoureux sortant de son sacré cœur estoit d'un prix, d'une valeur et d'un mérite infinis. Un seul de ses soupirs estoit suffisant pour racheter non un monde mais mille mondes, et mille et mille natures humaines et angéliques, s'il y en eut eu autant et qu'elles eussent péché Et non seulement un seul de ses soupirs, une seule de ses larmes eut suffi pour les racheter tellement quellement, mais encore pour satisfaire à la justice divine, d'autant qu'ils procedoyent d'un amour infini et d'une personne infinie. Aussi Notre Seigneur mérita plus en jetant un seul soupir amoureux que ne firent jamais tous les Saints et Saintes ou que tous les Chérubins et Séraphins ; et Dieu fut plus honoré par un seul acte d'amour et d'adoration que la très bénite âme du Sauveur fit à l'instant de sa création, qu'il ne l'a esté et ne le sera jamais par toutes les créatures angéliques et humaines. Néanmoins notre cher Maitre ne voulut pas nous racheter par un seul soupir, mais pour ce faire il a voulu souffrir mille peines et travaux, payant en toute rigueur de justice nos fautes et iniquités, nous enseignant par son exemple cette sobriété spirituelle, cet éloignement de toutes consolations pour vivre selon la raison et non selon nos appétits et affections.

 

La suite demain...

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